19 Juillet 2017

[Entretien] Les 110 sites du satellite Venus

Dans la nuit du 1er au 2 août 2017, le satellite franco-israélien Venµs décollera de Guyane à bord d'une fusée Vega (retransmission en direct sur notre site). Pendant 3 ans, l'engin spatial va observer 110 sites sur Terre avec une revisite temporelle inédite : tous les 2 jours ! 3 questions à Gérard Dedieu, ingénieur au CNES, responsable scientifique de la mission Venµs et chercheur au Cesbio, un laboratoire toulousain sous co-tutelle du CNES, du CNRS, de l’IRD et de l’Université Toulouse III.

Une grand variété de biomes terrestres

Pourquoi 110 sites et pas la Terre entière comme pour les satellites européens Sentinel-2 ?

Gérard Dedieu : Couvrir la Terre entière tous les 2 jours, à 5 m de résolution spatiale, aurait un coût très supérieur au coût de Venµs, peut-être 15 à 20 fois plus. Pour rappel, un satellite Sentinel-2 a une revisite temporelle de 10 jours pour une résolution au sol de 10 m. En outre, peu d’utilisateurs seraient en mesure, à court terme, de gérer et traiter la masse de données que cela représenterait.

Comment ces 110 sites ont-il été choisis ?

G. D. : En 2014, nous avons lancé un appel à projet auprès de la communauté scientifique internationale. Nous avons reçu 146 dossiers proposant 465 sites répartis dans 78 pays différents. Les propositions étaient dans l'ensemble de très bonne qualité scientifique si bien que le choix des sites a surtout reposé sur des critères techniques : concordance avec la trajectoire de Venµs, angle de prise de vue, possibilité d'enchaîner les prises de vue d'un site à l'autre, remplissage/vidage de la mémoire des images… Au final, nous avons choisi 93 sites. Les 17 autres sites ont été choisis par les équipes de qualité image du CNES pour calibrer et suivre l'étalonnage de l'instrument, par exemple sur des zones de désert, de glace au Groenland…

Comment se répartissent les 93 sites scientifiques en termes d'écosystèmes ?

G. D. : Ces sites représentent une grande variété de biomes terrestres : 30% sont des systèmes agricoles, 30% des formations herbeuses de la savane à la toundra, 15% des forêts depuis les zones tropicales jusqu’au cercle polaire, 4% des zones de glaces… Les biomes aquatiques sont peu représentés, la mission de Venµs a été conçue pour fournir aux scientifiques des données sur les cycles saisonniers (eau, carbone, production de biomasse végétale) des surfaces continentales.

Un autre objectif de la mission est d'étudier l’intérêt d’associer une haute fréquence de revisite (2 jours) à une résolution au sol élevée afin de préparer les spécifications de prochaines missions spatiales. L’observation d’une centaine de sites permettra des avancées dans ces 2 domaines à moindre coût et justifiera l’intérêt, ou non, de faire évoluer la fréquence d’acquisition et d’autres caractéristiques des futurs Sentinel-2.

Voir aussi


Gérard Dedieu, ingénieur au CNES, responsable scientifique de la mission Venµs. Crédits : CNES.

Le site sibérien de Cherskii (Russie). Crédits : Copernicus 2017, ESA. 

Le site agricole de Maricopa (États-Unis). Crédits : Copernicus 2017, ESA. 

Taille des sites et fauchée du satellite

La fauchée de Venμs, c'est-à-dire sa largeur de prise de vue au sol, est de 27 km. La plupart des 110 sites ont aussi cette taille : 27 x 27 km. Mais Venµs est capable d’acquérir des segments plus grands. Ainsi, la longueur des acquisitions sur le site du Sud-Ouest de la France jusqu’au versant espagnol des Pyrénées est de 160 km. Un segment de 330 km, le plus long, sera acquis sur Israël.